La crise du logement frappe le Québec de plein fouet pendant que la population en fait les frais. L’industrie immobilière privée ne répond pas aux besoins des personnes ayant des revenus modestes ou moyens. Ce n’est évidemment pas leur mission première. En plus, les conditions de développement de l’habitation sont devenues particulièrement difficiles avec, notamment, la hausse des taux d’intérêt et des coûts de construction. À l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Québec (ACHAT), regroupement de propriétaires résidentiels à but non lucratif, nous pensons qu’il est temps d’augmenter les capacités nationale et régionales de production et de gestion d’habitations à mission sociale.
La crise du logement n’est pas une fatalité; s’y attaquer avec vigueur serait une action de développement économique et social déterminante. Il est possible de relever le défi de l’abordabilité résidentielle en s’assurant que l’industrie produise, peu importe le contexte économique, une offre suffisante de logements sociaux et abordables à l’abri de la spéculation. À l’ACHAT, nous proposons que cette offre passe, en quelques années, de 5% à 20% du marché locatif résidentiel. Pour atteindre cette cible ambitieuse, mais réaliste, deux actions seront mises à contribution: la construction neuve et la conversion de logements existants en habitations abordables. Plusieurs OBNL en habitation sociale et abordable, dont certains sont membres de l’ACHAT, ont les moyens et la capacité d’y contribuer.
Pour une politique industrielle nationale d’habitation sociale et abordable
Pour ce faire, nous suggérons d’élaborer une véritable politique industrielle en s’inspirant des approches utilisées par les Supergrappes, comme on les appelle à Ottawa, ou les Stratégies nationales, comme on les appelle à Québec. Tous les acteurs concernés doivent travailler ensemble, soient les trois paliers de gouvernements, les associations de constructeurs, de développeurs privés et leurs financiers sans oublier les architectes et les représentants des salariés du secteur. Il faut aligner les politiques publiques - outils réglementaires, mesures fiscales - qui favoriseront l’émergence et la consolidation d’entreprises immobilières à but non lucratif capables de répondre durablement aux besoins de la population en matière d’habitation sociale et abordable. Cette politique industrielle inclurait la création d’outils de financement adéquats et complémentaires qui permettrait de mobiliser des opérateurs de logements à mission sociale habilités à développer et à gérer un grand volume de logements non spéculatifs dans toutes les régions du Québec. En plus, elle permettrait de créer des emplois de qualité sur tout le territoire.
Depuis plusieurs décennies, des entreprises immobilières d’économie sociale, comme celles qui sont membres de l’ACHAT, ont fait leurs preuves. Aujourd’hui, elles continuent de croître malgré le contexte économique difficile grâce à une diversité de stratégies et de partenariats financiers. Leur modèle d’affaires, axé sur la détention d’actifs immobiliers à long terme, permet de construire graduellement une abordabilité résidentielle de qualité au bénéfice des communautés locales. Ces entreprises à mission sociale sont résilientes en période de crise économique, ne peuvent être vendues à des intérêts étrangers ou spéculatifs et leur présence contribue grandement au maintien d’un marché immobilier sain et équilibré (aucune rénoviction, perte de logement pour de l’hébergement temporaire de type AirBnb ni de hausse de loyer abusive). Les OBNL d’habitation sont arrivés à une taille et à un niveau de maturité qui font d’elles de véritables outils de développement économique, social, urbain, durable et à échelle humaine. La crise du logement n’est pas une fatalité; il est plus que temps de passer à l’action!
Pour l’ACHAT : Catherine Boucher, directrice générale d’Habitations communautaires Loggia, François Claveau, directeur général de la Corporation Mainbourg, François Giguère, directeur général de SOLIDES, Nathalie Meilleur, directrice générale d’Hapopex, Louis-Philippe Myre, directeur général d’Interloge, Sébastien Parent-Durand, directeur général d’ACHAT, Jean-Pierre Racette, directeur général de la SHAPEM, Élise Tanguay, directrice des affaires publiques d’UTILE, François Tremblay, directeur général d’Espace La Traversée.